La Ville d’Ajaccio inaugure un lieu patrimonial inédit : l’antiquarium Saint-Jean

Rédigé le 04/07/2025
Cità d'aiacciu

A Cità d’Aiacciu inagura un locu impurtanti di u patrimoniu aiaccinu : u battisteru San Ghjuvà

Ce jeudi 3 juillet 2025, Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio et président de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA), accompagné de Simone Guerrini, adjointe à la Culture et au Patrimoine ainsi que des membres du conseil municipal, ont inauguré l’Antiquarium de Saint-Jean, en présence de nombreux partenaires du projet.

Véritable écrin de mémoire, ce nouvel équipement s’inscrit pleinement dans la politique de valorisation du patrimoine portée par la Ville d’Ajaccio, labellisée Ville d’Art et d’Histoire depuis 2013. Il vient compléter son offre culturelle, en lien avec le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) inauguré en 2024. Il vise à enrichir l’offre patrimoniale tout en renforçant l’identité culturelle de la ville. Ce projet a pour ambition de contribuer au développement économique et touristique du territoire.

Situé entre le boulevard Dominique Paoli et la rue Antoine Sollacaro, le nouvel Antiquarium Saint-Jean valorise un patrimoine archéologique et historique exceptionnel, classé au titre des Monuments Historiques en 2013.
Après quatre ans de travaux, ce nouvel équipement vient, en effet, mettre en lumière le site d’un baptistère paléochrétien retrouvé parmi les vestiges de la première cathédrale d’Ajaccio.

Cet ensemble architectural a été révélé dans un très bon état de conservation, et témoigne de la présence des premiers peuplements identifiés sur le territoire ajaccien depuis l’Antiquité.

L’ANTIQUARIUM, VÉRITABLE ÉCRIN DE MÉMOIRE

L’intérêt archéologique du quartier Saint-Jean a été souligné à maintes reprises depuis 1740 et les découvertes réalisées au gré des travaux agricoles ou d’urbanisation ont conduit les historiens à localiser dans ce secteur l’agglomération antique d’Ajaccio. Au début des années 2000, alors que le quartier est en pleine mutation, de nouveaux projets de construction déclenchent une série d’études archéologiques qui révèlent la présence de sépultures médiévales. Ces découvertes
encouragent alors la conduite d’une fouille archéologique préventive au printemps 2005 à l’initiative de la Direction régionale des affaires culturelles de Corse (DRAC) délimitée sur une parcelle de 850 m2. Ces dernières ont été menées par une équipe de l’Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP), sous la direction scientifique de Daniel Istria.

Les recherches ont permis de mettre au jour une nécropole antique, des vestiges paléochrétiens et médiévaux, ainsi qu’un groupe épiscopal comprenant les fondations de la première cathédrale d’Ajaccio et son baptistère, datant du VIe siècle.

Cette découverte encourage alors la Ville d’Ajaccio et la DRAC à conduire un programme de conservation et de valorisation qui aboutit à la création de l’Antiquarium, inspiré de celui de Séville.

Sa principale vocation consiste à mettre en valeur et à conserver les vestiges archéologiques du baptistère Saint-Jean.
Cet Antiquarium fait office d’outil complémentaire au nouveau Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) Aiacciu Bellu, en créant un dialogue autour des origines de la ville.

UN PROJET ARCHITECTURAL INNOVANT

L’Antiquarium Saint-Jean se compose de deux espaces distincts : l’un dédié à l’exposition et l’autre à la médiation culturelle. Ce projet répond à plusieurs objectifs : celui de créer un lieu propice à la contemplation et à la rencontre culturelle (visites, tenue de conférences) dans un quartier en pleine mutation. Il a été pensé comme un lieu ouvert et accueillant, à l’image d’un forum urbain, offrant un point de rassemblement et une parenthèse historique aux passants. Il établit également
une véritable connexion entre le quartier Saint-Jean et le cours Napoléon, grâce à son esplanade qui renforce ainsi l’accessibilité et la continuité urbaine entre ces deux secteurs de la ville.

Le projet, conduit par le groupement « Orma Archittectura-CGZ Beaumeco-Sinetic-Ingenia » se compose d’un espace de restitution in situ où l’on peut découvrir des vestiges du baptistère paléochrétien protégé par une structure en verre courbée soutenue par un préau, réalisé à partir des terres du Monte Gozzi, une carrière située dans la région ajaccienne.

L’ensemble est équipé d’un éclairage qui permet de contempler ainsi, de jour comme de nuit, le baptistère et ses vestiges. Aux abords, des gradins conçus à l’antique ouvrent la perspective et invitent à la détente et à l’échange.

L’ESPACE D’EXPOSITION DE 100 m2

Situé au rez-de-chaussée de l’immeuble Alban, qui abrite les locaux de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA), l’espace d’exposition retrace l’histoire du quartier depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Il accueille en son sein le sarcophage dit « du Bon Pasteur », récemment rénové par la Ville d’Ajaccio et véritable pièce maîtresse de ce lieu mémoriel ajaccien.

UN OUTIL CULTUREL AU SERVICE DU RAYONNEMENT LOCAL

L’Antiquarium Saint-Jean est un lieu de transmission. Il s’adresse aussi bien à la population locale, aux familles, aux scolaires, qu’aux passionnés d’histoire et aux visiteurs. Il répond pleinement à la stratégie de la Ville d’Ajaccio d’inscrire le patrimoine dans un récit collectif dans le but de renforcer aussi notre identité culturelle. Ce nouvel outil est un atout majeur pour redynamiser le quartier en qualité de site mémoriel à fort intérêt touristique.

À ce titre, la scénographie et la médiation culturelle, imaginées par le cabinet On situ, ont été pensées en lien avec l’agencement du CIAP Aiacciu Bellu. L’espace d’exposition est délimité par une paroi de verre permettant de proposer deux programmes de médiation. Un dialogue entre l’espace culturel et le site archéologique y est privilégié. Le public y découvrira notamment l’histoire du quartier, l’étude archéologique du lieu ainsi que la reconstitution en 3D du site via
trois écrans multimédias.

Le coût total de ce projet s’élève à 1 804 610 HT pour la partie aménagement du site, financé par l’État, la direction du Patrimoine de la Collectivité de Corse, l’Agence de tourisme de la Corse et la Ville d’Ajaccio. La partie d’exposition et de médiation culturelle a été réalisée pour un montant de 569 000 € HT par les fonds FEDER européens (60%) et la Ville d’Ajaccio.

Le projet a bénéficié du soutien de nombreux partenaires : la Collectivité de Corse, l’Agence de Tourisme de la Corse (ATC), l’État via la Direction régionale des affaires culturelles de Corse (DRAC) et sous le contrôle de Pierre-Claude Giansily, conservateur des Antiquités et Objets d’Art.

LE SARCOPHAGE DIT DU « BON PASTEUR » PIÈCE MAÎTRESSE DE L’ANTIQUARIUM

Parmi les trésors exposés, le grand public pourra découvrir le sarcophage dit « du Bon Pasteur » en marbre de Carrare, exceptionnel vestige du début du IVe siècle auparavant exposé à la Préfecture d’Ajaccio. Il fut découvert le 2 juillet 1938 dans les terres de la scierie d’Antoine Manganelli, lors du creusement d’une fosse par des ouvriers qui mirent au jour une série de tombes, des monnaies et surtout deux sarcophages. Le deuxième est aujourd’hui perdu. Ce sarcophage orné d’une riche frise décorative offre un témoignage des liens entre art païen et iconographie chrétienne au moment de la transition entre l’Antiquité et le Christianisme.

D’une dimension de 185 cm de long pour 58 cm de haut, cette cuve, soigneusement restaurée il y a peu par l’équipe de restauratrices Louise Rouillé et Lucie Antoine, mandatée par la Ville d’Ajaccio, présente une frise continue représentant les Saisons, des scènes pastorales, et le défunt, drapé en lettré, tenant un volumen. Le tout encadré par des génies ailés dans une composition évoquant la paix, le cycle de la vie et l’immortalité. L’étude scientifique du sarcophage a été conduite par
Vassiliki Gaggadis-Robin, chargée de recherches honoraire au CNRS, centre Camille Jullian, Aix-Marseille Université.

L’HISTOIRE D’UN QUARTIER SAINT-JEAN, LE BERCEAU DE LA CITÉ

Les recherches menées dans le quartier Saint-Jean témoignent d’activités humaines dès le Ier siècle.
Le site ne s’apparentait pas encore à une véritable ville mais plutôt à un comptoir commerçant avec l’Italie, l’Afrique du Nord ou l’Espagne. On y échangeait du vin, de l’huile ou encore le garum, une sauce de poisson très prisée dans l’Antiquité.

Au IIIe ou IVe siècle, une riche famille romaine implantée sur le site y fait construire un mausolée monumental, destiné abriter leur sépulture, conformément à une tradition bien ancrée dans l’Empire romain.

Ce mausolée, implanté en surplomb, légèrement à l’écart des autres zones funéraires localisées en contrebas, le long du rivage, occupait une position stratégique. Il constituait un repère visuel important dans le paysage, visible aussi bien depuis la mer que depuis les axes de circulation terrestres. Ce monument funéraire atteste de la présence à Ajaccio d’une famille aristocratique influente, disposant non seulement des ressources nécessaires à la construction d’un tel édifice,
mais aussi d’une culture connectée aux grandes provinces de l’Empire.

Au Ve siècle, l’édifice partiellement détruit sert de bases à la construction d’une église chrétienne, qui deviendra la première cathédrale d’Ajaccio. On pense que cette église a été construite autour de sépultures, et c’est dans sa nef que seront découverts en 1938 deux sarcophages romains, dont celui dit « du Bon Pasteur », taillé dans du marbre de Carrare.

En 601, dans une lettre adressée à son représentant en Corse, le defensor Boniface, le pape Grégoire le Grand déplore la vacance prolongée du siège épiscopal d’Ajaccio. Il exhorte le clergé local et les fidèles à élire un nouvel évêque. Ce document historique confirme qu’Ajaccio, jusque-là rattachée à l’évêché unique de Corse, dont le siège était à Mariana, a été élevée au rang de diocèse autonome au cours du VIe siècle. Elle devient ainsi le centre du pouvoir religieux d’un territoire couvrant vraisemblablement une large partie du sud-ouest de l’île. À cette époque, la notion de diocèse renvoie moins à une délimitation territoriale stricte qu’à un réseau d’édifices cultuels et de relations personnelles entre fidèles et membres du clergé.

C’est à cette époque qu’est édifié la Cathédrale et le baptistère. Ce dernier se situe dans l’une des anciennes absides de l’ancien mausolée. Il est constitué d’une cuve profonde et en forme de croix, permettant le baptême par immersion des adultes. Plus tard, avec la généralisation du baptême des enfants, la cuve est modifiée en une version plus petite.

L’élévation d’Ajaccio au rang de siège épiscopal s’accompagne d’un nouvel essor économique, marqueur d’une dynamique religieuse et politique en plein développement.
Mais au VIIIe siècle, Ajaccio perd son évêque : la Cathédrale est reléguée au rang de simple église secondaire. L’activité religieuse décline, les rites changent. On y enterre encore des morts, mais l’effervescence religieuse s’essouffle. Puis, vers l’an mille, de nouvelles tombes apparaissent autour du bâtiment, signe d’un renouveau.

Au XIIe siècle, l’Église de Corse fut à nouveau restructurée sous l’impulsion du Pape Urbain II et de l’archevêque de Pise. Ajaccio retrouve un évêque, et une nouvelle Cathédrale dédiée à Sant’Eufrasio et San Giovanni Battista. Elle est bâtie non loin de la première, mais est plus modeste.

Ensuite, en 1492, Gênes édifie les premiers remparts et un château fortifié près du littoral (actuelle citadelle). C’est à partir de là que la ville se développe tout autour, entraînant le transfert du siège épiscopal. L’ancienne église est peu à peu oubliée, puis démolie.

Au fil des siècles, les vestiges du groupe épiscopal sont recouverts par les sédiments et les constructions modernes. Ce n’est qu’en 2005, à l’occasion de fouilles archéologiques préventives, que cette page oubliée de l’histoire ajaccienne est remise au jour, redonnant vie à ce passé oublié.